lundi 12 septembre 2011

Causons


Tel que publié dans l'édition du 22 juillet 2011 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Cette semaine, Air Canada a finalement reçu une claque légale pour manque de bilinguisme, et les francophones ont reçu une claque sociale pour avoir fait respecter leur soi-disant droits.
Michel Thibodeau, un franco-ontarien, n'a pas reçu de service en français sur un vol de Air Canada. Au lieu de déposer une plainte qui s'ajouterait sur le tas qui doit commencer à être gros, il a choisi d'aller en cours et demander des répercussions financières. Il a demandé pour plus d'un demi-million en réparations, et en a été accordé 12 000$. 

Il était temps que cette cage soit branlée. 

Mais cette micro-victoire pour nos droits n'est pas ce qui me pousse à dépoussiérer mon chapeau d'éditorialiste cette semaine. C'est la réaction populaire à cette nouvelle. 

Comme Patrick Lagacé l'a noté dans un article pour Cyberpresse, les commentaires sur l'article sur le site Internet du Globe and Mail brillent par leur francophobie, voire leur racisme. Ils portent en majorité sur le fait qu'il est impossible de se faire servir en anglais au Québec (pas vrai et pas rapport), que M. Thibodeau est bilingue et devrait juste parler en anglais dans cette situation (parce que c'est à nous à parler deux langues et pas aux agents de bord...), et sur le fait qu'il a eu un procès en français avec un juge francophone (encore un autre complot francophone). On ne peut demander trop de la collectivité qui commente l'Internet sous le voile de l'anonymat, mais lorsqu'on lit des commentaires comme "Est-ce que les canadiens français se demandent parfois pourquoi ils sont tellement méprisés par le reste du Canada?", c'est une autre affaire. Si vous ne me croyez pas, substituez le mot "français" pour "juif" et relisez-moi ça. C’est du racisme linguistique flagrant.

Ce n'est pas étonnant qu'on a peur de demander des services en français. Si ce n'est pas des anglophones qui nous repoussent avec des commentaires comme "Ces gens n'iront peut-être pas en enfer, mais si il y a justice Dieu les gardera au purgatoire en attendant un traducteur.", ce sont nous qui traitons les défendeurs de nos propres causes de radicaux et de fascistes.

Se battre en cour n’est pas une façon amicale et jolie de résoudre nos problèmes. Je vous assure que ce n’est pas la situation qu’auraient voulu les plaignants s’ils en avaient eu le choix. Gilles Caron aurait préféré simplement recevoir une infraction rédigé dans les deux langues officielles du pays. Lucien Comeau aurait aimé que ses impôts municipaux aillent en partie vers l’école de ses enfants.  Les parents de notre système scolaire auraient aimé que leurs écoles francophones soient acquises de façon moins déchirante. Ils ne méritent pas pour autant d’être victimes de discrimination publique.

Mais la vie n’est pas faite d’idéaux (elle est par contre parfois faite d’idiots…).  Notre francophonie est malgré nous politique. Si on ne soutient pas nos propres causes, légales ou sociales, autant s’assimiler aujourd’hui et nous sauver tous beaucoup d’énergie. Donc à nous de légitimiser l’acquisition de nos droits en demandant pour les services en français qui nous sont destinés et d’agir lorsqu’ils ne sont pas réellement offerts.  Respectons ceux qui ont le front de lutter pour nous. 

Et ne laissons pas Air Canada que Michel Thibodeau est un de plus de 9 millions de canadiens francophones qui s’attendent à être ravis de leur service bilingue!

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