lundi 6 décembre 2010

Réellement télé

Tel que publié dans l'édition du 3 décembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Je l’admets. Je regarde la poubelle de la télévision, la téléréalité. Et vous aussi.

Selon certaines statistiques, plus de 70% des gens regarderaient régulièrement des émissions de téléréalité.
Nous sommes gênés de l’admettre parce que nous savons que cette programmation n’est pas du plus haut calibre, et utilise le sensationnalisme pour assurer ses chiffres. Nous savons que ce sont le personnel dans la salle de montage qui exagèrent les personnalités des gens avec leur choix. Nous savons qu’ils mettent les gens dans des moments de stress intentionnel pour avoir de meilleures réactions. Et pourtant, nous regardons ces émissions. Pourquoi?

D’abord, parce que nous sommes curieux. Sans nécessairement vouloir l’admettre, nous aimons savoir ce qui se passe dans la vie des autres. Les statistiques d’utilisation de Facebook démontrent que nous passons la majorité de notre temps sur leur site à regarder les photos des autres.  Moi j’appelle ça l’esprit de gossipeuse en nous tous.  Quoi de mieux pour piquer cette curiosité que de nous offrir une vitrine dans une style de vie que nous connaissons peu, ou même dont nous ne savions même pas l’existence? Comment pouvons nous dire non à la possibilité de passer une demi-heure à voir comment fonctionne une famille avec 17 enfants, ou avec quatre mamans, ou avec des parents de petite taille? Un peu ennuyé de son emploi? Pourquoi ne pas voir comment ça se passe dans un salon de tatouage, ou dans une pâtisserie, ou chez Donald Trump? C’est un univers où les chanteurs amateurs finissent par gagner des Oscars, et où les candidats politiques nous emmènent chasser avec leur famille.

Ces émissions sont aussi offertes dans un format qui rend leur consommation facile. C’est comme des petits documentaires, sans la lourdeur ou le recul d’une prémisse claire. On peut commencer à regarder une série n’importe quand, puisqu’il y a peu de continuité dans les épisodes. Les personnes filmées démontrent bien leur stéréotypes donnés, alors pas besoin de se rattraper sur leur parcours. En plus, c’est disponible 24/7 et il y a des chaines entières qui y sont dévouées. Pas pour rien qu’on appelle ça le fast food de la télévision. En plus, l’émission sera probablement suivie d’un autre épisode de la même série, ou encore mieux, dans la même veine (passer de la pâtisserie aux petits gâteaux ).

Mais Beaucoup des émissions sont des productions canadiennes. Il a les grosses productions comme Canadian Idol et Star Académie, mais aussi d’innombrables émissions de décor, d’immobilier et de mode. L’appui du public pour certaines émissions est impressionnant. Quand on pense que plus de personnes ont voté pour le gagnant d’American Idol en 2004 que pour le président des États-Unis, il faut se demander s’ils n’auraient pas quelque chose à nous apprendre sur l’engagement citoyen. 

Cette mode est loin d’être passée, et nous avons peut-être la chance d’en profiter. 22 minutes a récemment fait un sketch nommé Acadie Shore, parodiant le format téléréalité. C’était peut-être une blague, mais si on m’offre la chance de voir un acadien de chaque région dans vivre une maison , se disputant sur ce qui est de la vraie râpure et faisant compétition pour voir qui connait le plus de paroles de 1755, je serai collée à l’écran. Et vous aussi.

Choisis ton aventure

Tel que publié dans l'édition du 26 novembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Aujourd’hui, vous allez choisir votre propre aventure.

Imaginez-nous en train de vous préparer à demander un service d’une partie offrant un service bilingue. Ça peut-être une agence gouvernementale, une compagnie privée, ou n’importe quelle autre situation où vous avez le droit de vous faire servir en français. Vous arrivez au comptoir (où, après avoir choisi une d’une innombrable quantité d’options vous tombez finalement sur une vraie personne au téléphone), et avec votre plus beau sourire aux lèvres, vous dites « Bonjour! », puis posez votre question en français.  La personne vous répond qu’ils ne parlent pas en français (Ici, vous êtes libres d’imaginer le ton qu’ils prennent : mal à l’aise, défiants, de bonne humeur, espérant que vous n’êtes pas venu évaluer la qualité du service bilingue, etc. C’est votre histoire, après tout).

Comme cette personne ne peut vous servir dans votre langue, vous :

a)    Demandez en français  si on peut vous trouver quelqu’un qui peut vous servir en français.

b)    Demandez en anglais  si on peut vous trouver quelqu’un qui peut vous servir en français, pour faire sur qu’ils vous comprennent.

c)    Demandez en anglais (avec votre accent francophone le plus lourd ) si on peut vous servir en français, feignant que les seuls mots que vous connaissez en anglais sont pour demander du service en français

d)    Leur laissez savoir que vous savez que vous avez le DROIT d’être servi en français, et que vous ne bougez pas jusqu’à ce qu’ils se débrouillent. En attendant, vous leur lisez les articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, parce que tant qu’à attendre, autant sensibiliser…

e)    Reposez votre question en anglais, parce que anyways, mesque vous leur disez que vous voulez renewer votre license plate, ils vont savoir que vous les comprennez.
Je vous avoue d’avoir essayé toutes ces solutions auparavant. Oui, même le faux accent, question de ne pas se sentir mal de les laisser savoir qu’il serait super facile de juste me faire servir en anglais, au lieu de les faire suer. Ça peut sembler cruel, mais en revange j’ai le malaise de leur mentir linguistiquement (c’est la pire sorte de mensonge, comme lorsqu’on se dit que puisqu’on a parfois de la difficulté à s’exprimer en français qu’on n’est pas vraiment francophone).

C’est sur que dans un monde idéal, on n’aurait pas besoin de faire ce choix, parce que cette situation ne devrait pas avoir lieu. Mais la réalité est que parfois il manque de personnel, ou il y a une personne qui est bilingue, mais elle est malade ce jour-là, ou quelqu’un a sous-estimé la demande pour les services en français. De plus, la grande majorité des francophones est capable d’au moins de débrouiller en anglais, et ne veut pas attendre plus qu’il faut pour se faire servir, peu importe la langue. Comment trouver la ligne entre être patriote pour la cause et être raisonnablement flexible? C’est un équilibre entre la valeur de se faire servir en français et le temps supplémentaire nécessaire pour que ça arrive, prenant compte des facteurs comme l’humeur de la personne qui vous sert, et combien lutteur vous vous sentez aujourd’hui. Demander ses services en français est autant une question émotionnelle que politique.

Par contre, lorsque la GRC nous arrête pour excès de vitesse, nous devenons très vite prêts à insister sur le service en français…

À vos horloges

Tel que publié dans l'édition du 12 novembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

J’ai récemment voyagé à l’ouest du pays, et je me suis retrouvée à l’aéroport de Toronto au retour. Il était environ 5 heures moins le quart et le soleil commençait à se coucher. J’ai trouvé étrange que Toronto soit assez au nord que je vois une si grande différence dans l’horaire du soleil. Et là, je me suis souvenue du changement d’heure qui avait eu lieu le soir d’avant. Ugh.

Ugh, parce que cela veut dire que pour les prochains mois, je vais voir la nuit plus que je voudrais.  Parce que l’hiver canadien est un test sur notre stabilité mentale. Parce que la slush s’en vient. Mais surtout parce que je trouve ça inutile de garder cette tradition de changer nos horloges 2 fois par année.

Supposément, ce serait pour aider nos confrères dans l’industrie agricole. Sauf que dans un monde avec des processus mécaniques remplaçant les processus manuels, ceci est de moins en moins nécessaire.  De plus, puisque nous avons le même montant d’heures totales où le soleil est levé, pourquoi les commencer plus tôt?

On parle de plus en plus de désordre saisonnier, faisant le lien entre nos humeurs et l’environnement dans lequel on se trouve (pas étonnant qu’on se sent souvent au ralenti au mois de février). On sait que notre exposition à la lumière affecte notre état mental et  physique.  Mais on continue de se donner le choc annuel de soudainement voir le soleil qui se couche une heure de plus tôt, ce qui nous donne comme un gros soupir interne, parce qu’on sait que l’hiver arrive.

Certains disent qu’ils aiment voir le soleil se lever une heure de plus tôt. Moi je leur réponds qu’ils sont fous. Ou vivent des situations où ils doivent passer du temps dehors très tôt le matin. La plupart d’entre nous avons notre temps libre après le travail, en fin d’après midi. Et c’est précisément à ce temps-là que nous perdons de la lumière avec ce changement d’horaire démodé. 

Je crois qu’il est temps d’enlever cette procédure et de garder nos heures fixes.  L’hiver nous donne assez de fil à retordre sans qu’on le rende encore plus difficile.  En plus, on pourrait éviter beaucoup de confusion avec les erreurs faites quand le temps change, et la confusion sur s’il faut ajouter ou enlever une heure.  Suivons la Saskatchewan et prenons charge de nos horloges!

Note: J'ai reçu un réponse à cet éditorial, me disant que je ne comprends pas le fonctionnement du changement d'heure, parce que c'est au printemps que nous n'avons plus la vraie heure. Ou quelque chose...En tout cas, ça prouve que c'est encore moins logique que je le pensais.

mercredi 10 novembre 2010

Coquelicots trompeurs

Tel que publié dans l'édition du 5 novembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Avez-vous déjà votre coquelicot cette année?

N'est-ce pas qu'on se sent bien d'avoir donné quelques sous au monsieur avec la canette pour Appuyer nos vétérans et notre militaire? Mais est-ce assez?

Nos vétérans sont des gens qui ont vécu des choses qui se décrivent mal. À ce temps-ci de l'année, on entend beaucoup parler des "grandes guerres" du début du 20ieme siècle, et des soldats qui y ont laissé leurs vies. On ne peut s'empêcher d'avoir un peu les larmes aux yeux de voir des hommes ainés qui sont émotionnels aux cérémonies officielles. Mais qu'en est-il de nos vétérans récents?

N'oublions pas que nous sommes présentement en guerre. L'armee canadienne est en Afghanistan depuis presque dix ans, pourquoi ne pensons nous pas plus à eux? C'est peut être parce que les guerres dautrefois avaient des missions de combat claires et faciles à comprendre. On comprend bien qu'il fallait intervenir en Europe pour la justice, pour le bien du monde, pour la liberté. Mais que faisons-nous en Afghanistan? On se bat contre le taliban? On garde la paix? On ramasse les dégâts de Bin Laden? On recrée un pays? En tout cas c'est moins clair que "aller se battre contre les allemands". Et c'est sur qu'il y a cette nostalgie, surtout des années 40. Combien de fois a-t-on vu cette photo du fameux baiser de la fin de la deuxième guerre mondiale? C'est peut être pourquoi on pense moins à nos vétérans récents le 11 novembre. Parce qu'on n'a pas la nostalgie des horreurs toujours en cours.

Je crois qu'il est important de ne pas se limiter à seulement porter une fleur de plastique et penser à nos ainés cette année. Pensons à nos jeunes vétérans qui sont affectés du syndrome du stress post-traumatique. Pensons aux jeunes familles qui doivent essayer de trouver un rythme de vie avec le conjoint militaire souvent absent. Pensons aux épouses ( le militaire est encore largement une affaire d'hommes) qui s'occupent de leur enfants seules pendant des mois, gardant le sourire aux lèvres mais en se demandant si elles reverront leur mari un jour. Pensons aux pensions gouvernementales qui affectent nos vétérans de tous âges. Bref, pensons large.

Nous pouvons appuyer notre militaire de toutes sortes de façons. Nous pouvons faire des pressions auprès du gouvernement. Nous pouvons faire du bénévolat au centre pour les familles militaires. Nous pouvons aider nos vétérans récents à garder une santé mentale saine. Nous pouvons faire sur que les familles militaires et les vétérans que nous connaissons savent que nous comprenons que ce n'est pas toujours facile pour eux et que nous sommes là s'ils ont besoin de parler ou s'ils ont besoin de coup de main.

C'est vrai qu'un coquelicot sur son manteau c'est joli, mais efforçons-nous de donner plus qu'un toonie cette année!

Des promesses, des promesses

Tel que publié dans l'édition du 29 octobre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Cette semaine, un moment du Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques m’est revenu à l’esprit, et je vais le partager avec vous.

Le dernier soir du Forum, nous avons eu une cérémonie de l’engagement, où chacun a pu déclarer devant le groupe ce qu’il ou elle ferait suite au Forum pour faire rayonner le français dans son coin du monde. C’était un moment émouvant, et la plupart des participants se sont engagés à faire des projets, à rassembler des gens, à partager les réalisations qu’ils ont eu pendant notre séjour ensembles.

Et finalement, un participant s’est levé, l’air grave. Il a dit que dans son pays d’origine, il y avait un proverbe. On disait qu’une promesse faite est une promesse tenue. Il a dit que nous devions faire attention à ce que nous disions pendant que nous étions remplis d’émotions et prêts à s’engager à n’importe quoi, parce que notre honneur tenait à qu’on fasse vraiment ce que nous disions vouloir faire.

Ce commentaire bien placé m’a beaucoup fait réfléchir. Il est vrai que lorsque nous sommes en mode événement, et que ça fait des heures ou des jours que nous discutons des sujets qui sont près de nos cœurs, que nous sommes vulnérables. Nous sommes épris d’un idéalisme où tous sont prêts à faire le travail qui va pour soutenir les idées de projets que nous avons. Nous sommes dans un environnement où l’on côtoie des gens come nous, qui partagent notre fougue et notre passion pour changer le monde. Et c’est dans ces moments qu’il faut faire attention à quoi on s’engage.

Il faut faire attention, non pas parce que nous devons limiter notre imagination, mais parce que les événements rassembleurs ne sont pas la vraie vie. Dans la vraie vie, vouloir changer le monde devient une petite partie des choses auxquelles nous pensons au quotidien. Parfois, lorsque nous reprenons contact avec nos réalités, lorsque nous redevenons marginaux par nos opinions et nos passions, lorsque nous devons nous entourer de gens qui n’ont pas vécu les moments émotionnels avec nous, nous perdons l’entrain de faire les choses que nous nous sommes engagés à faire. Et c’est pourquoi il fait choisir avec attention ce que nous promettons de faire. Il suffit de regarder à la différence entre les promesses électorales de n’importe quel politicien et les réalisations faites durant leur mandat pour voir que c’est vrai.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’engager à faire des choses alors que nous sommes dans des moments de réalisations identitaires, mais de vraiment réfléchir avant de laisser des promesses quitter ses lèvres. On peut souhaiter que des choses soient faites, ou désirer, ou espérer. Mais une promesse est une promesse, il et faut se respecter assez pour les tenir.

lundi 25 octobre 2010

Bilinguisme obligatoire


Tel que publié dans l'édition du 22 octobre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

J’ai récemment demandé à une jeune anglophone ce qu’on pouvait faire pour que nos deux communautés linguistiques soient plus unies. Elle m’a répondu quelque chose de très intéressant : Il faudrait faire tous les anglophones apprendre le français dans le cadre du système scolaire.

Il y  a certainement des options qui existent pour que les anglophones puissent se franciser au cours de leur éducation secondaire, notamment le programme d’immersion qui leur permet de prendre leurs cours en français. Les étudiants qui ne choisissent pas l’immersion ont l’option de prendre des cours de français, au choix. Malheureusement, ces cours ne sont pas assez intensifs pour rendre les jeunes qui les prennent bilingues.

Alors si on imposait l’enseignement des deux langues à tous les canadiens? Il faudrait une grande réforme du système, mais imaginez si tous les canadiens pouvaient comprendre les deux langues officielles. Notre petit monde francophone serait accessible à tous et il y aurait peut-être la formation d’une identité commune.  

Nos écoles francophones enseignent déjà l’anglais au même niveau que les écoles anglaises. Notre environnement minoritaire est assez pour qu’on apprenne l’anglais plus ou moins par osmose. Faudrait-il alors évaluer le facteur environnemental  pour chaque région afin de personnaliser le système d’éducation selon le niveau d’exposition à l’autre langue officielle?  Est-ce qu’on le fait par province? Par école? Par élève, même? Ça pourrait être problématique.

J’aurais aussi une inquiétude par rapport à la façon dont la relation est formée avec la langue française. Dans mon expérience personnelle, beaucoup de personnes qui apprennent le français sont gênés de l’utiliser. Ils disent souvent que c’est parce que leur accent n’est pas bon.  C’est tellement triste de voir quelqu’un qui a fait l’effort d’apprendre une autre langue ne pas avoir la confiance de l’utiliser. Il faudrait alors enseigner le français en le mettant dans le contexte de la francophonie internationale, ou il a en fait plusieurs français, et où les accents sont infinis. Et en plus, l’accent « francophile » est adorable!

Finalement, dans un canada où les jeunes qui graduent de l’école sont capables de converser dans les deux langues officielles, il faudrait prendre avantage de ça. Vous savez comme moi que lorsqu’on n’utilise pas une langue, on la perd. Il faut donc donner des occasions à ces jeunes d’utiliser le français. J’ajouterais aussi qu’il faudrait leur faire vivre des expériences qu’ils partagent avec des francophones de souche et où ils voient qu’ils sont des petites tuiles dans la mosaïque de la francophonie. Je crois qu’il est temps d’arrêter de promouvoir la langue français comme un outil de travail, et de commencer à  parler du côté plus affectif.

Mais ce n’est pas demain que tout cela arrivera. Rendre les canadiens bilingues n’est pas une tâche facile, et nécessite un effort incroyable du gouvernement fédéral, et une grande concertation des provinces, sans mentionner les coûts d’une telle réforme au système.

Mais imaginez un monde où on ne parle plus de minorité anglophone ou francophone, mais on parle de minorité unilingue, et de majorité bilingue.

lundi 18 octobre 2010

Livre de visages

Tel que publié dans l'édition du 15 octobre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Ahh Facebook. Quel cadeau et quel boulet à la fois. Cet outil à but rassembleur peut causer des inquiétudes morales et légales, sans mentionner le stress de se demander si les photos de la fin de semaine vont se retrouver devant tout le monde.



Malgré ces aspects bien connus et beaucoup discutés, Facebook peut aussi être intéressant d'un point de vue linguistique  (oui, j'arrive toujours à trouver un angle francophone à tout!). En plus de nous permettre de nous connecter et nous regrouper, on peut étudier nos interactions virtuelles pour en arriver à des conclusions sociologiques sur nos choix linguistiques.

Ça fait longtemps qu'on discute de ce qui arrive lorsqu'un groupe de francophones se parlent entre eux et qu'un anglophone entre dans la pièce. Facebook est essentiellement cette situation 24/7, et nous devons constamment choisir dans quelle langue nous exprimer, à la perte d'une part de nos lecteurs.

Comment choisir dans quelle langue « partager » ses nouvelles? Parfois, c'est facile. Si c'est à propos d'un groupe linguistique, on le met dans leur langue: "Céleste se sent acadienne aujourd'hui.". Si on cite quelque chose, ont écrit dans cette langue-là: "Tu me Bonnie, je te Clyde- Pascal Lejeune dans la tête!". Mais c'est dans les situations les moins évidentes que ça devient vraiment intéressant.

Disons que je trouve la température belle aujourd'hui et que je décide de partager ça avec tout le monde. Que fais-je? Français? Anglais? Au hasard? Certains mettent ça dans les deux langues, mais je trouve que ça fait un peu trop style publication gouvernementale. Le choix est toujours personnel, et d'habitude avec peu de réflexion philosophique, et c'est ça qui rend les résultats honnêtes et intéressants.

Par exemple, on trouve des statuts en anglais sur des sujets très francophones: "Celeste is reading Le Courrier and finds the editorials very smart ;) ". On trouve des conversations qui changent d'une langue à l'autre: "Céleste est excitée pour le show de Jacobus et Maleco ce soir" "Me too! Can't wait". Et finalement, il y a l'ami(e) qui ne comprend rien et n'a pas l'intelligence d'utiliser Google traductions: "Céleste est fière de pouvoir écrire ses statuts en français" "What does that even mean? Is it French?".

Nous avons tous à faire un choix à toutes les fois que nous diffusons quelque chose à un groupe mixte de gens. Il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, et les conséquences ne sont pas bien graves, mais ce serait peut-être bon de réfléchir un peu à franciser Facebook, en le faisant nous-mêmes, dans les mesures du raisonnable.




jeudi 14 octobre 2010

C’est pas mal, pour un acadien….

Tel que publié dans l'édition du 8 octobre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Est-ce qu’on se tient à des standards moins élevés, entre acadiens? Est-ce qu’on se contente de faire ce que nous faisons, sans se tenir au niveau des autres? Apparemment, oui.

Récemment, le jury du Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA) a décidé de ne pas accorder de prix dans la catégorie de moyen ou long métrage acadien. Pourquoi? Selon eux, aucun des films présentés n’était à la hauteur. Cette décision est évidemment controversée.

D’abord, je crois que la nature de la catégorie veut que le prix puisse être accordé peu importe les soumissions. Même dans le cas où les films en compétition sont affreux (je ne sais pas si c’est le cas pour les films candidats au FICFA), on peut choisir le meilleur des mauvais films. Comme tous les moyens ou longs métrages acadiens sont automatiquement éligibles pour le prix, il me semble qu’on pourrait au moins choisir un film, selon les circonstances.

Mais je trouve intéressant que la présidente du jury a dit que ce n’est pas tous les cinéastes acadiens qui se méritent quelque chose. Je ne crois pas que tous les cinéastes acadiens réclament qu’on leur octroie un prix peu importe leur travail créatif. Mais est-ce vrai qu’on compare nos artistes entre eux et pas aux autres artistes hors-Acadie de leurs domaines? Est-ce une mauvaise chose? N’est-ce pas que c’est un peu décourageant de ne pas avoir de meilleur film acadien parce que les films produits par les autres sont de meilleure qualité, surtout si on considère les facteurs socio-économiques touchant à nos artistes?

Je me demande si ce genre de décision peut aggraver le complexe d’infériorité de l’Acadie. Je vois mal d’autres festivals ne pas accorder de prix parmi les œuvres reçues. Est-ce parce qu’ils n’oseraient pas admettre au grand public que leurs artistes ne sont pas du calibre voulu? Où plutôt que tous leurs artistes sont au calibre et que cette question n’entre pas en jeu?

Mais si les œuvres ne sont vraiment pas de bonne qualité, que devrait faire le jury? Recevoir le prix de meilleur moyen ou long métrage acadien est quand même prestigieux.  En quelque part, le cinéaste se méritant ce prix devient ambassadeur de tous les cinéastes acadiens, du moins pour un an. Veut-on des ambassadeurs dont les œuvres sont médiocres? Évidemment non.

J’ai de la misère à me positionner définitivement sur cette question. Come je n’ai pas vu les films en question, je ne peux me baser que sur la philosophie éthique de la situation, et je me demande si nous devons nous reconnaitre entre acadiens malgré tout, où si nous pouvons nous dire que nous ne sommes pas au niveau des autres et que nous ne méritons pas d’accolades pour ce que nous avons produit.

Il y a deux choses dont je suis certaine : Je suis contente d’avoir été ni membre du jury, ni cinéaste en nomination au FICFA cette année.

jeudi 7 octobre 2010

Néo-Acadiens

Tel que publié dans l'édition du 1er octobre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Les acadiens sont en train de changer. Je ne parle pas d’un changement personnel dans chaque individu, mais plutôt au niveau du peuple et de la diaspora.

Nous avons de plus en plus de nouveaux arrivants au sein de nos communautés. Avec l’ouverture du Centre de l’immigration francophone Nouvelle-Écosse la semaine prochaine, nos avons officiellement un rôle dans l’arrivée dans notre province de gens qui parlent notre langue. Et nous accueillons depuis longtemps des francophones de partout au Canada, notamment du Québec. 

Tout ça est important, mais il faut aussi penser à l’influence que cette diversification francophone a sur l’identité acadienne. Je ne propose absolument pas de lancer le débat sur l’identité acadienne, ce qui a, dans ce contexte, des teintes de racisme et d’exclusion. Il suffit de regarder à comment ce débat a nuit à l’image de la France lorsqu’elle l’a eu. Par contre, est-il vraiment juste de dire que nos institutions desservent les Acadiens alors qu’elles s’occupent maintenant de Sénégalais, de Marocains, de Libanais, de Québécois, et de tous ceux qui veulent avoir une vie en français? Je pense que oui.

Il est non seulement important de préserver l’importance de la culture acadienne dans le contexte historique de notre province, mais aussi d’ouvrir les portes de l’Acadie aux autres. Si nous n’accueillons pas les gens au sein de notre communauté, les nouveaux arrivants vont naturellement soit former leur propre communauté francophone, à l’extérieur de la notre, ou simplement s’intégrer à la communauté anglophone. L’exclusion va soit ségréger les francophones selon leur origine, soit les perdre tout court. Ni l’un ni l’autre ne nous aide.

Il faut alors non seulement partager ce qu’est notre culture, mais aussi faire passer le message qu’elle peut leur appartenir aussi. À l’encontre de l’ancienne vision que les Acadiens sont seulement les descendants des LeBlanc, des Comeau, des D’Entremont qui ont formé l’histoire francophone sur ce territoire, nous devons changer notre discours pour laisser savoir aux gens qu’ils peuvent aussi devenir Acadiens. Notre culture ne perd rien en laissant quelqu’un d’origine externe se dire Acadien. En fait elle en profite énormément. L’Acadie prendra des nouvelles couleurs, et on verra peut-être des changements importants à ce qui se passe dans notre culture, et tout ça, c’est un signe de progrès!

Et comment ces nouveaux arrivants peuvent-ils savoir qu’ils sont devenus Acadiens? S’ils posent la question, c’est qu’ils le sont déjà.

Soyons capitalistes!

Tel que publié dans l'édition du 24 septembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Savez-vous où se trouve la capitale de l’Acadie? C’est à Caraquet, selon Caraquet.

Ne vous inquiétez pas, ils se font toujours taquiner pour cette auto-déclaration, même par le reste du Nouveau-Brunswick. Comment peut-on être capitale d’un non-pays sans géographie fixe? Reste toujours que leurs dépliants touristiques invitent les gens à visiter la capitale de notre peuple.

Lorsque j’ai appris ça, j’étais fâchée. Parce qu’encore une fois, c’est le Nouveau-Brunswick qui est à l’affiche lorsqu’on parle d’Acadie (j’élaborerai sur mes sentiments sur ce sujet dans un éditorial futur). Mais après réflexion, j’ai finalement vu que je n’étais pas fâchée contre eux, mais plutôt jalouse de ne pas y avoir pensé en premier.

Dans les lois du marketing, aucune élection n’est nécessaire pour donner un titre à quelqu’un, où à quelque chose. On peut déclarer qu’on fait la meilleure bière du monde, sans un processus pour avoir l’opinion de 6 milliards de personnes. On peut être l’homme le plus intéressant du monde sans interviewer tout le monde. On peut être capitale de l’Acadie sans essayer d’arriver à un consensus. Pourquoi ne pas prendre avantage de cette opportunité, et faire la même chose que nos frères et sœurs du nord?

Je propose que nos communautés se donnent tous un titre et qu’on affiche ça partout! On peut se nommer selon des particularités de nos régions, comme par exemple Chéticamp pourrait se nommer « L’Acadie des montagnes » ou Halifax pourrait être « l’Acadie du brouillard ». Ou on pourrait se partager les titres suivants :

-Capitale culturelle de l’Acadie
-Capitale originale de l’Acadie
-Berceau de l’Acadie
-Future capitale de l’Acadie
-L’Acadie des prés
-L’Acadie des mers (celle-là serait évidemment fortement disputée)
-Capitale de l’Acadie progressive

C’est à nous de prendre en main la façon dont on veut être perçus par le reste de l’Acadie, et par les gens qui arrivent ici de l’extérieur. Nous avons l’opportunité de choisir la façon dont on veut être reconnus, et de se promouvoir d’une nouvelle façon. Cet exercice nous donne la chance de définir qui nous sommes, et qui nous voulons être. En plus d’être bon pour nous et nos communautés à l’interne, ça ne peut qu’aider le tourisme dans nos régions de soudainement devenir capitale de quelque chose. 

Bref, faisons de Caraquet une des capitales de l’Acadie.

“A French thing”

Tel que publié dans l'édition du 17 septembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Comme à peu près tout le monde, j’ai des amis et de la famille qui sont des unilingues anglophones. Et ça me cause des problèmes.

Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas gentils ou aimables. Ou même qu’ils essayent de m’assimiler. Au contraire, comme je l’ai mentionné auparavant, la plupart sont ouverts à la francophonie et aux francophones. Mais je n’arrive simplement pas à leur expliquer ce que je fais avec la communauté francophone. 

Je travaille dans un organisme à but non lucratif, à développer des projets jeunesse qui visent à, entre autres, développer l’identité culturelle chez les jeunes. Et j’ai beaucoup de difficulté à expliquer ça.

Il faut vraiment faire une énorme mise en situation pour en arriver au travail qui se fait aujourd’hui. Un peu d’histoire acadienne, l’explication du passé des écoles et des luttes qui ont eu lieu, l’explication du rôle des institutions, discussion sur l’assimilation, discussion sur le rôle des familles exogames et de l’importance des milieux francophones, mise au point sur les questions de fierté et d’identité dans une communauté qui n’est pas formée que d’acadiens mais aussi de francophones venus d’ailleurs, petite introduction à la francophonie canadienne et internationale, explication brève des processus financiers qui font rouler les organismes communautaires, description des autres organismes. Et tout ça ne fait qu’expliquer pourquoi je travaille, et non ce que je fais. Et il faut vraiment être intéressé pour assister à ce discours juste pour savoir ce que je fais comme travail.

Mais je m’efforce à expliquer tout ça, parce que je crois qu’il est important pour nous tous d’être mieux compris par la population anglophone qui nous entoure. D’abord, parce qu’ils ont le poids démographique qui est tellement important lors de décisions et de processus démocratiques. Ensuite, parce que j’en ai marre d’entendre que je vais à un « french thing », alors que j’assiste à des forums, des conférences, des concertations, des réunions, des événements jeunesse, et des spectacles. On ne peut pas blâmer qui que ce soit d’être ignorant de la réalité francophone, mais si on les laisse dans cette ignorance, ça devient un peu de notre faute. Et qui sait, ils deviendront peut-être partisans de la cause.

Mais j’ai encore des défis. Par exemple, je donnerais ma main droite pour avoir un mot en anglais qui est équivalent à «animation ». On peut dire que c’est un mélange de hôte, maitre de cérémonie, et de motivateur, mais ce n’est pas très concis, et essayez donc de mettre ça sur votre CV! Aussi, quelle est la meilleure chose à dire à quelqu’un qui dit ne pas aimer votre musique en français parce qu’ils ne comprennent pas les mots et qu’ils sont mal à l’aise? Les envoyer se promener? Leur faire un discours sur comment la musique est importante pour la survie culturelle du peuple? Monter le volume? L’éteindre poliment?

Bref, la relation avec les anglophones n’est pas toujours facile à gérer. Mais il est primordial pour l’avenir de notre communauté qu’au minimum, ils nous comprennent un peu mieux. Et c’est à nous de passer le mot!



Engagez-vous qu’ils disaient

Tel que publié dans l'édition du 10 septembre 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse 

Avez-vous vu le vidéo « Y vote NB »? Si non, déposez ce journal et cherchez ce vidéo sur YouTube immédiatement. Vraiment, tout de suite, je vous attendrai.

Génial, non? Cette vidéo vise à inciter les gens à voter lors de l’élection provinciale du NB qui est présentement en campagne, surtout les jeunes. J’espère que cette campagne encouragera les jeunes à voter, parce que le nombre d’électeurs jeunes est faible. Faible assez pour que les candidats ne ce soucient pas des enjeux jeunesse, puisqu’ils cherchent après tout à se faire élire et réélire, et c’est logique de chercher l’appui de ceux qui votent. Triste, mais logique.

Voter, c’est bien, mais si notre participation citoyenne est limitée à cocher une case aux quatre ans, on n’est encore pas très actifs dans l’avenir politique de notre pays. Mais que faire? Il y a tellement de choses qui se passent dans nos municipalités, dans notre province, dans le pays. Où commencer? Est-ce qu’on peut vraiment faire une différence comme individu? Quand on voit des choses comme la corruption financière, et des approches suspectes dans le gouvernement, n’est-ce pas que ça veut dire que les élus détiennent tout le pouvoir? Comment faire un impact? Par où commencer?

Je n’ai certes pas les réponses à toutes ces questions. Par contre, je sais une chose. Si nous vivons dans une démocratie,  c’est que nous avons, comme citoyens, un pouvoir quelconque. En fait, plusieurs processus sont en place pour que nous puissions nous exprimer, et avoir un impact sur les décisions prises par le gouvernement. Le problème? Honnêtement, ces processus peuvent être longs et ennuyeux. Il faut savoir où et quand sont les consultations, lire beaucoup de documents officiels qui sont lourds de légalités, rester informé sur les courants qui se passent dans tous les partis politiques, savoir qui sont les joueurs clés, et quels sont leurs motivations, etc. Bref, être un citoyen est un emploi à temps plein. C’est évident que si les grecs n’avaient pas eu des esclaves pour faire leur travail, ils n’auraient jamais eu le temps de faire fonctionner une démocratie pure.

Mais ou est-ce que ça nous laisse, nous les citoyens moyens? D’abord, il faut voter. Pourquoi? C’est une des seules façons que nous pouvons participer directement au processus. Et aussi, parce qu’on ne peut pas se plaindre de qui est en pouvoir si on n’a même pas voté pour, ou contre. Ensuite, il faut choisir ses batailles, comme on dirait en anglais. Puisqu’on n’a pas le temps de tout faire, je crois que c’est raisonnable de choisir ses intérêts, et de mettre l’emphase là-dessus. C’est aussi une bonne idée de choisir un parti politique quelconque, et de participer à la sélection de leurs enjeux et de leurs candidats. Si on n’est pas surs de vouloir être rouge ou vert ou bleu ou orange, rien nous empêche de participer à plus d’un parti à la fois, ou de même participer à la création d’une nouvelle alternative.

La morale de tout ça, c’est que c’est bien beau de se plaindre du gouvernement, et c’est notre droit. Mais il faut se mériter ce droit de chialage en faisant au moins le minimum possible pour faire du changement. 

La tête dans les nuages, les pieds sur terre.

Tel que publié dans l'édition du 3 septembre  2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse 

Comment faire avancer la communauté acadienne? Garder les deux pieds dans le concret, en s’assurant que nos actions sont réalisables, bien exécutées, et ont des résultats mesurables. Et en même temps, se permettre de rêver aussi grand qu’on peut, et laisser aller son imagination.

La plus grande menace pour notre avancement, ce n’est pas l’assimilation ou le manque de ressources. C’est le statut quo. Quand nos institutions sont prises dans un cycle se répétant sans grand changement à perpétuité, il y a là un grand danger. Ce danger est qu’on perde contact avec les vrais besoins et les enjeux actuels. C’est peut-être plus simple et réconfortant de rester avec « ce qui marche déjà » (encore pire, c’est de perpétuer un cycle qui fonctionne peu, ou pas du tout), mais il faut être capable de s’évaluer avec un œil critique, et de s’admettre lorsque nous sommes devenus stagnants. Ce n’est pas facile d’admettre qu’on est déconnectés de la réalité de notre communauté et qu’on travaille dans le vide, mais le faire permet de reprendre contact avec les gens qu’on dit desservir, et de se réorienter selon leurs besoins. Si on n’est pas capables de mener à bout cet exercice, il faut se questionner sérieusement sur notre volonté et notre capacité de vraiment aider la communauté acadienne, et ses causes.

Se permettre de rêver grand peut aussi être un défi. Pour cela, il faut parfois puiser au fond de son imaginaire. Il faut essayer de laisser aller toutes les choses que l’on prend pour acquises et se laisser conceptualiser un monde plus ou moins utopique, et le chemin qu’on prendrait pour s’y rendre. Le défi là-dedans, c’est que nous devons penser à des choses qui ne se produiront peut-être pas (ou probablement pas, comme mon rêve de racheter toutes les terres à Grand-Pré, et d’emménager ça avec tous les acadiens de la province). Mais même mon rêve un peu farfelu de dé-déporter les acadiens jusqu’à notre point de départ peut mener à quelque chose. Ce que je cherche, au fond, c’est une communauté qui n’est pas divisée par les limites de nos villes et villages, capable d’être unie en masse critique pour avoir un vrai poids politique. Déplacer tout le monde est loin d’être la seule solution, et certainement loin d’être la plus facile à mettre en exécution. C’est un point de départ pour trouver une solution plus viable à la même problématique.

La solution, c’est de frayer un bon chemin stable entre nos grands rêves et la vraie vie, et essayer de minimaliser la distance entre les deux. Et ensuite constamment se demander si ce chemin mène vraiment la communauté vers l’avant.

Bons rêves!

Un Forum incroyable

Tel que publié dans l'édition du 27 août 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

Chers lecteurs, permettez-moi d’être un peu égoïste avec cet espace cette semaine, et de vous parler d’une expérience sans pareil que je viens de vivre.

J’ai tout récemment participé au Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques, organisé par le Centre de la francophonie des Amériques, à Moncton et à la péninsule Acadienne. Je me suis trouvée en compagnie d’une soixantaine de jeunes vraiment spéciaux, venant du plus sud du continent jusqu’au nord du Canada, et en passant par la Caraïbe. En plus d’échanger avec des jeunes de partout dans notre belle langue qui souvent n’était pas leur première, j’ai pu vivre et partager l’Acadie avec des gens qui ne savaient pas trop ce que c’était. Je vous assure que beaucoup sont partis en se considérant acadiens.

Vous raconter tous les beaux moments prendrait cette édition entière du Courrier, alors je me retiendrai un peu. Nous avons eu droit à des tables rondes, des conférences, des ateliers, et des événements culturels incroyables. Quelques moments qui ont été forts pour moi personnellement sont été le cours d’histoire rapide de Maurice Basque, historien de l’Acadie par excellence, la conférence d’Antonine Maillet, et passer le 15 août à la péninsule acadienne, avec 1755 en spectacle, en plus! J’ai aussi pu être témoin à l’éveil identitaire de plusieurs participants, notamment un louisianais vivant au Texas qui a pu vraiment vivre sa langue dans un environnement francophone pour la toute première fois. Vous pouvez imaginer qu’il y a eu des émotions fortes, et des moments de solidarité intenses.

En fait, la francophonie a plusieurs facettes sur ce continent. En Amérique du sud et aux États-Unis, c’est surtout une langue d’apprentissage. Pour les Canadiens, c’est une langue que nous devons nous engager pour garder. Pour les Créoles et les autochtones, c’est la langue de l’oppresseur qu’ils ont gardé au fil des ans. Ce qui est toujours incroyable chez les jeunes, c’est notre capacité de surmonter ces différences en un instant pour se rassembler autour d’humour, de chansons, et d’expériences que nous créons ensembles.

Tout ça est bien beau et crée des jolis moments pour la couverture médiatique, mais ce ne semble pas trop concret. À la toute fin du forum, il y a eu un engagement de la part des jeunes pour créer des initiatives après leur retour. Je suis déjà en contact avec des ambassadeurs pour travailler sur des projets de natures diverses et tangibles. Restera à voir quelles sortes de retombées nous pouvons avoir en collaborant de l’autre bout du monde. Du moins, on aura une pleine conscience du fait francophone dans ce grand continent qu’est les Amériques.

Finalement, je veux partager avec vous un moment qui m’a marqué de façon inattendue. Nous avons eu droit à une petite mise en contexte au Pays de la Saguine, par une dame qui s’appelait Dorine. Après nous avoir expliqué un peu l’histoire de l’Acadie, elle s’est penchée vers l’avenir. Elle a dit, avec toute la conviction de con corps et de son cœur : «  Pour garder la langue, il y a seulement une méthode. Pas deux, pas cinq, pas dix. Une. Et c’est celle-ci : Soyez fiers de qui vous êtes ». J’en ai encore des frissons.

Complot?

Tel que publié dans l'édition du 13 août 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse 


Cette semaine, l’Anglo Society of New Brunswick continue avec ses propos haineux envers les francophones. Cette fois, c’est en affichant sur Facebook des photos de robes qui rappellent celles du Ku Klux Klan, mais colorées aux couleurs et aux drapeaux de l’Acadie et du Québec. Cela représenterait, selon les anti-bilinguistes, le complot entre les Acadiens et les Québécois pour prendre contrôle du Canada et imposer notre langue et notre culture aux les anglophones du pays. Cela fait écho aux commentaires du Ottawa Citizen, qui insinuait que les francophones complotaient sur leurs recensements pour affecter l’argent leur étant alloué.

Ça me fait toujours un peu rire quand les gens voient les francophones comme appartenant à une seule culture, et avec les mêmes desseins politiques. Et en plus, ils croient qu’on est assez rapprochés et organisés pour avoir la capacité de mettre en branle un énorme mouvement anti-anglophone, de façon secrète, et ce, dans toutes les branches du gouvernement et de la société. Ça serait un grand compliment à nos capacités, si les propos n’étaient pas tellement insultants et francophobes.

On dirait qu’à chaque fois qu’on prend un pas de l’avant pour la francophonie, on le fait en marchant sur les orteils des anglophones. Je ne dirais pas que la population anglophone en générale nous craint, même que la plupart apprécient la diversité linguistique et culturelle du pays. Cependant, à chaque fois que nous avons une réussite quelconque, des commentaires diffamatoires nous sont lancés au visage. Lorsque la nouvelle est sortie que le conseil municipal de Halifax étudierait la possibilité de publier ses communications dans les deux langues officielles, certains commentaires sur le site Internet de Radio-Canada étaient tellement affreux qu’ils ont du être enlevés par l’ombudsman. Est-ce que ces commentaires représentent un sentiment caché chez les anglophones, ou est-ce un petit groupe de francophobes qui crient haut et fort à tous les coups? Espérons que c’est ce dernier.

La difficulté avec toute cette affaire, c’est que pour vraiment changer la perception des gens envers la culture (ou plutôt, les cultures) francophone au pays, il faut le faire un anglophone à la fois. On ne peut pas vraiment apprécier la culture de quelqu’un sans avoir baigné un peu dedans. On ne peut pas comprendre pourquoi nous devons lutter pour le français sans avoir le plein discours sur l’historique des peuples francophones, et la mise en contexte actuelle, et qui a le temps de faire ça? De plus, l’histoire dépend de si c’est un acadien, un québécois ou quelqu’un d’une autre culture francophone qui parle. Pas surprenant qu’ils ne nous comprennent pas mieux.

Cela étant dit, je propose qu’on s’efforce de mieux sensibiliser les anglophones (ou ceux issus de d’autre cultures non francophones, ne généralisons pas, après tout…) dans la vie de tout les jours. Essayons de clarifier les situations où on est mal compris, et prenons le temps de faire comprendre notre communauté, surtout lorsqu’il est question de nos droits et nos besoins.

On nous accusera peut-être d’avoir comploté pour informer les gens de notre culture, pour assimiler les anglophones, évidemment!

Une identité bilingue?

Tel que publié dans l'édition du 6 août 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse



Dernièrement, on voit de plus en plus d’indications qu’entre les cultures anglophones et francophones, une autre se forme. Serait-il possible que le bilinguisme forme une vraie culture autour de lui? Est-ce bon pour la communauté francophone?

Ça fait  peut-être vingt ans depuis que Roch Voisine a eu son succès avec la chanson bilingue « Hélène », mais la mode est loin d’être passée. Des groupes comme  Alfa Rococo  et Bette et Wallet chantent aujourd’hui des chansons avec des parties en anglais, et d’autres en français, pêle-mêle. Ce mélange a été crédité comme un des facteurs du succès monstre de l’album Belmundo Régal, du groupe Radio Radio. Ça permet aux anglophones d’écouter et d’acheter de la musique « française » qu’ils n’auraient pas autrement pu comprendre. Ça permet aux artistes d’avoir une portée beaucoup plus large avec leurs créations, ce qui est important quand on considère que le système de diffusion et de promotion est encore largement anglophone en Amérique du Nord.

 Mais cette culture est-elle vraiment en train de nous bilinguiser?

Pour moi, ma vie est divisée en parties, selon la langue utilisée. J’ai ma culture acadienne, et mes amis francophones, et une communauté à multiples niveaux à laquelle je sens une appartenance. J’ai aussi un milieu anglophone, des amis qui ne parlent pas le français, et tout un bagage culturel américanisé auquel je tiens aussi. Ces cultures sont dans des compartiments identitaires séparés, et mon identité est formée du mélange des deux. Je ne dirais pas autant que mon identité est « bilingue ».

Le danger lorsqu’on identifie notre culture comme étant bilingue, c’est qu’on mêle identité et habileté. On a les capacités de fonctionner dans les deux langues, et on se voit dans les deux cultures formées autour d’elles. Mais on ne peut malheureusement pas vraiment voir une culture entre les deux. Une des raisons est que c’est largement les francophones qui s’ouvrent vers la culture anglophone, avec peu de réciprocité. On ne pourrait vraiment parler de culture bilingue que lorsque les prestations culturelles bilingues viennent des deux côtés de la médaille. Ça me ferait plaisir de voir un groupe comme Nickelback faire un album où la plupart des refrains sont en français, et voir les canadiens se rassembler autour de cet album mais je ne tiendrai pas mon souffle.

Entre temps, on peut appuyer les efforts de ces groupes qui poussent les limites des cultures déjà définies. En écoutant des chansons bilingues, on peut imaginer un Canada avec une culture unie, où on connait aussi bien Jean-François Breau que Justin Bieber, partout au pays. D’un pays où on partage vraiment des éléments de la même culture, sans compromis linguistique ni traduction.

Cette nouvelle vague dans le monde de la musique ne témoigne pas d’une culture véritablement bilingue, mais plutôt du  rêve de la culture bilingue et de sa vitalité

Marée noire met le français en danger

Tel que publié dans l'édition du 30 juillet 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

La fuite d’huile dans le Golfe du Mexique a eu et continue d’avoir des impacts environnementaux évidents. La compagnie British Petroleum sera longtemps connue pour la mort d’écosystèmes complets. Mais sera-t-elle connue pour avoir contribué à la fin de la langue française sur la côte du Golfe?


Les cajuns de la Louisiane sont parmi les victimes de la marée noire, non seulement parce que leur plages sont pleines de boue huileuse, mais aussi parce que leur mode de vie est en péril. Toute l’industrie marine en est affectée. Les conséquences économiques de ne pas pouvoir pratiquer la pêche sont assez évidentes, les conséquences sociales le sont moins.

Pour beaucoup de pêcheurs louisianais, le bateau  et le quai sont des endroits où ils se retrouvent entre francophones et où ils peuvent parler dans leur langue maternelle en toute tranquillité.  Malheureusement, un grand nombre d’eux ne peuvent plus y travailler depuis le début de la fuite au mois d’avril.

Lorsqu’on enlève un milieu où les gens peuvent se sentir à l’aise de parler en français, c’est toute la communauté qui est en danger. Ça ne prend pas longtemps pour perdre complètement  une langue. Ça en prend encore moins pour en perdre assez pour ne plus être à l’aise de la pratiquer. La perte de bateaux de pêche pourrait vraiment mettre en danger l’avenir de la langue français en Louisiane, qui a déjà une lutte assez dure pour sa survie, comme l’indique la fermeture des programmes de français à l'Université Nicholls State, à Thibodaux.

Lorsque nous parlons de solutions aux problèmes engendrés par la fuite d’huile, ne nous tenons pas à seulement nettoyer les animaux avec du savon à vaisselle. La sauvegarde de l’écosystème côtier est évidemment d’importance première, mais ne laissons pas nos frères cajuns être oubliés dans tout ça. D’après les louisianais à qui j’ai parlé à ce sujet, les acadiens de la Louisiane ne partiront pas de la région, peu importe le niveau de malheur auquel ils puissent faire face. Ils ont déjà été déplacés une fois, et ni un ouragan, ni une marée noire ne les fera perdre le chez-eux qu’ils ont bâti et travaillé fort pour maintenir.

Nous pouvons les appuyer en assurant qu’on parle d’eux, que ça soit connu que c’est plus que les fruits de leur pêche qui sont perdus dans toute cette affaire. Nous pouvons aussi s’assurer que leur communauté reçoit le financement nécessaire pour surmonter l’obstacle de plus devant le développement de son plein potentiel.

S’ils ont su survivre à la déportation des britanniques, ils sauront survivre leur huile.

Anglo Society

Tel que publié dans l'édition du 23 juillet 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse


Pour tous les défis que nous avons comme acadiens et francophones, nous pouvons nous compter chanceux d’une chose : nous n’avons pas de groupe organisé qui s’oppose officiellement à notre lutte pour nos droits. Ce n’est pas le cas pour nos voisins au nord.

La Anglo Society of New Brunswick est un groupe qui se dit défendeur de la culture et de la langue anglais au Nouveau-Brunswick. Ses activités incluent écrire des lettres aux journaux et faire des manifestations contre l’affichage bilingue.

C’est difficile pour moi de lire leur lettres, d’abord parce que je m’oppose fondamentalement à leur idéologie principale, mais aussi parce que leurs arguments ne sont pas toujours bien fondés. Par exemple, une des lettres publiés sur leur site Internet  ( qui n’est pas disponible en français, grosse surprise…) commence en parlant de l’immigration francophone, ensuite dit que cela enlève des soins de santés aux ainés, et finit par dire qu’il ne faut pas imposer la langue de la minorité à la majorité. Une autre parle de « french agitators », et insinue qu’il y a une espèce de conspiration pour insister sur des services en français là ou ce n’est vraiment pas nécessaire.  La moindre des choses qu’on peut dire, c’est que c’est décousu leur affaire.

Mais s’ils étaient mieux organisés et plus éloquents? Ils pourraient avoir une vraie influence sur les décideurs. Leurs peurs sont compréhensibles. Ils n’ont pas accès aux emplois bilingues, et ils semblent croire que chaque pas de l’avant de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick force la communauté anglophone à prendre un pas de l’arrière. Pour eux, chaque dollar dépensé sur le bilinguisme est un dollar qui ne sera pas utilisé pour répondre à leurs besoins. Fondamentalement, l’idée de garder un œil sur comment on fait avancer le bilinguisme n’est pas mauvais, puisque ça demande au gouvernement d’être fiscalement responsable avec ses dépenses, et de penser aux conséquences pour la population en général lorsqu’elle fait des décisions qui affectent une minorité.

La Anglo society peut nous apprendre un leçon de tolérance. Si on veut le droit de revendiquer pour notre cause, il faut accepter que ne sera pas les seuls à le faire.  On sait au moins qu’on vit dans un pays démocratique, où plusieurs intérêts sont représentés. La meilleure chose qu’on puisse faire, c’est les éduquer sur la situation francophone, pour qu’ils comprennent mieux pourquoi leur gouvernement donne du soutient aux communautés acadiennes qui les entourent, et espérer qu’ils arrivent à voir plus clair là-dedans.

Malgré tout ça, c’est quand même tentant de les narguer en leur écrivant  en français et en demandant qu’ils traduisent leurs lettres, puisqu’on est un pays bilingue, après tout. 

Recensement 2011 : On ne comptera pas sur nous

Tel que publié dans l'édition du 16 juillet 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse


La nouvelle que le Gouvernement fédéral apporte des changements importants au prochain recensement est inquiétante. Les sondages seront moins longs, et la partie qui doit obligatoirement être remplie sera transmise à moins de gens. Cela peut sembler bon, mais les chiffres obtenus par Statistique Canada seront beaucoup moins précis dans leur ensemble. De plus, des changements portés aux questions linguistiques pourraient faire ratatiner chiffres des communautés acadiennes et francophones du pays.

Le nouveau sondage ne nous demandera plus quelles langues nous parlons à la maison, ni lesquelles on sait parler, préférant nous demander simplement quelle est notre langue maternelle. Il ne faut pas trop se creuser les méninges pour voir les conséquences de cette substitution. Il suffit de penser à ceux qu’on connait qui sont dans des familles exogames, et qui parlent le français, mais qui ont l’anglais comme langue maternelle. Ou à tous les gens qui ont appris leur français en immersion. Ou qui ont une autre langue comme langue maternelle, mais parlent le français à la maison et dans la communauté. Tous ces gens n’apparaitront pas comme étant francophones sur le prochain recensement.  Et de plus, on ne pourra plus mettre que nous savons aussi fonctionner en anglais, même avec le français comme langue maternelle. Le pays est peut-être bilingue, mais on ne semble pas trop s’inquiéter sur si c’est le cas pour ses habitants.

Ce changement a eu lieu sans que nous ayons la chance d’y mettre nos deux sous. Ce serait, selon le gouvernement, parce que beaucoup de canadiens trouvaient le formulaire trop long à répondre, et parce qu’il donnait trop d’information personnelle au gouvernement. Quelle paresse! En tant que citoyens du canada, nous n’avons que quelques opportunités de participer activement à la gouvernance de notre pays. Le recensement est une chance pour nous de nous identifier selon les langues qu’on parle, et non seulement par celle qu’on a apprise en premier, ou celle qui se parle majoritairement. C’est triste que parcequ’on n’a pas envie de remplir un formulaire pendant 20 minutes, à tous les 5 ans, qu’on ne pourra plus voir les deux langues officielles représentées fidèlement dans les statistiques du gouvernement.

Ça fait longtemps que le recensement est un défi pour notre communauté. La Sagouine d’Antonine Maillet avait de la difficulté à s’identifier comme étant acadienne aux « encenseux », et a eu une réflexion qui semble tout à fait à propos aujourd’hui, et sur laquelle je vous laisse :

« Parce que tu finis par pus saouère quoi c’est que t’es entoute.  Tu te sens comme si t’étais de trop, ou ben qu’y avait pus parsounne qui voulit de toi… T’es pas de trop, peut-être ben, mais t’as pas ta place au pays. »

Examens provinciaux : vraiment nécessaires?

Tel que publié dans l'édition du 9 juillet 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

La nouvelle est sortie dernièrement : seulement 45 % des élèves du Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) ont réussi à l’examen provincial de Mathématiques 12. C’est une statistique inquiétante. La seule bonne nouvelle là-dedans, c’est que nos résultats sont exactement aussi graves que ceux des conseils scolaires anglophones de la province.

Plusieurs raisons peuvent mener à des notes plus basses à ces examens. D’abord, il est possible que nos programmes de mathématiques n’enseignent simplement pas les habiletés dont ont besoin les élèves. De façon plus réaliste, l’examen ne répond peut-être pas aux besoins des classes de maths. 

Ces tests standardisés baissent les moyennes des élèves depuis le début. Ils ne prennent pas en compte le trajet d’apprentissage effectué par chaque classe. Par exemple, si un professeur a décide de faire un projet de classe, pour que les élèves apprennent un sujet selon une méthode qui répond à leurs besoins spécifiques, il passera peut-être moins de temps sur un autre sujet, ce qui peut affecter les notes à l’examen provincial. Ou encore, les élèves peuvent avoir de la difficulté avec des questions posées d’une façon différente de celle de leur professeur (ils savent utiliser la formule, mais ne comprennent pas ce qui leur est demandé). De plus, les élèves sont souvent nerveux durant ces tests, sachant qu’ils se font évaluer non pas sur ce qu’ils ont appris, mais plutôt sur ce qu’ils devraient avoir appris. Ils doivent alors espérer que leur enseignant a couvert tout ce qui est dans l’examen.

Aux États-Unis, des examens standardisés sont faits à la fin de chaque année scolaire, du primaire au secondaire. Les résultats des élèves déterminent en partie quel financement est accordé à chaque école. Afin d’encourager les enseignants à vraiment pousser les élèves à obtenir de bons résultats, il y a des récompenses monétaires importantes pour les enseignants produisant les meilleures notes. Selon une étude effectuée par Steven Levitt, économiste américain, nombreux sont les enseignants eux-mêmes qui trichent à ces examens, soit en enseignant seulement ce qui est dans le test, en écrivant certaines réponses au tableau, ou encore en changeant eux-mêmes les réponses écrites par les élèves. Inquiétant, non?

La solution à tout ca? Plus d’examens provinciaux! Laissons à chaque enseignant le droit d’évaluer ses élèves sur les connaissances qu’ils ont apprises au cours de l’année. Et si nous voulons évaluer les connaissances et compétences des élèves à l’échelle provinciale, faisons des tests séparés qui ne comptent pas pour leurs notes finales, et qui n’affectent pas leurs chances d’aller à l’université ou de recevoir des bourses. Ne créons pas un système où les élèves sont punis par la méthode d’évaluation.

Déportation de moindre importance

Tel que publié dans l'édition du 2 juillet 2010 du Courrier de la Nouvelle-Écosse

L’omission de la mention de la déportation dans le guide à intention des médias pour la visite prochaine de la Reine Elizabeth II en Nouvelle-Écosse fait beaucoup parler ces temps-ci .C’est une chance pour les acadiens de la Nouvelle-Écosse de faire front commun pour témoigner de la résilience du peuple acadien.

Les réactions et les opinions face à la déportation varient : Il y a ceux qui souhaiteraient des excuses officielles de la part de la reine, ceux qui voient la déportation comme un génocide et qui réclament des réparations, et il y a ceux qui croient qu’il vaut mieux laisser aller les événements du passé lointain. Par contre, tous sont d’accord sur le fait que la déportation est des moments des plus importants dans l’histoire du peuple acadien.

L’omission donne un message très clair : Le gouvernement ressent une gêne lorsqu’il doit rappeler aux médias que les ancêtres de la reine actuelle nous ont déporté, et ce de façon violente. Qui pourrait les blâmer? Les acadiens ont ressenti une gêne aussi, lorsqu’ils ont perdu toutes leurs possessions, et se sont fait déposer dans des endroits où ils étaient non-bienvenus dans le meilleur des cas ou esclaves dans le pire. Même les soldats britanniques de l’époque ont ressenti une honte en commettant des actions qu’ils savaient injustes et immorales. Il est facile d’imaginer le malaise qu’on pourrait ressentir à essayer de décrire la dispersion de tout un peuple et la mort de milliers d’acadiens en une ou deux phrases, tout en restant assez neutres pour ne pas paraitre attaquer la reine pour les actions de la monarchie qu’elle représente, et sans l’impression qu’elle ne sera pas bien reçue lors de sa visite. Peut-être ne veulent-ils pas lui faire croire qu’elle recevra une râpure au visage?

Par contre, l’omission complète de l’événement n’est pas une solution acceptable. En ne disant rien du tout au sujet de la déportation, le gouvernement donne le message qu’il est impoli de parler de ce qui nous est arrivé, et qu’il vaut mieux ne pas en parler devant le parti coupable. Au contraire, c’est parce que c’est gênant d’en discuter qu’il est primordial de le faire. C’est en reconnaissant les horreurs erronées du passé qu’on démontre que ce genre d’action n’est pas acceptable, et qu’on mise sur un avenir où cela ne sera pas toléré, ni en Acadie, ni ailleurs.

Au moment de rédaction, aucune réponse officielle au sujet de l’omission n’a été reçue. Ceci peut laisser entendre que ce faux-pas ne sera peut-être pas le seul lors de la visite officielle. Y-aura-t’il des cérémonies dans les deux langues officielles? Parlera-t-on des acadiens comme étant autre chose que des colons français mystérieusement disparus au milieu du 18ème siècle? Les réussites des acadiens depuis 1755 seront-elles à l’affiche? Il y a là une opportunité pour la communauté acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse de se rassembler pour ensemble signaler notre présence, et de faire reconnaitre l’histoire de notre peuple, gênante ou non.